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Les problèmes de fond liés au décrochage scolaire

L'école, quelle méthode pour les défis d'aujourd'hui?

Par Rémi Robert, étudiant au doctorat en philosophie pratique de l’UdeS.

L’école québécoise ne mise pas avant tout sur l’intelligence de ceux qui la fréquentent, mais sur une méthode d’apprentissage et l’utilisation d’outils efficaces pour écrire ou calculer. En n’ayant pas de méthode efficace ou appropriée, les différents apprentissages deviendront pénibles, car l’incompréhension repose généralement sur une incapacité d’utiliser correctement les bons outils. Difficile, pour un menuisier, de clouer avec un tournevis ou construire une maison sans recourir à un plan détaillé. Le manque de méthode risque de décourager rapidement l’étudiant.

Toutefois, au Québec, depuis 15 ans, le taux de décrochage scolaire est resté sensiblement le même. En dépit de sommes considérables investies par le gouvernement pour juguler le problème, l’instauration d’une réforme menée de front depuis quelques années et la création d’écoles alternatives, force est d’admettre que la situation ne s’améliore pas.

Actuellement chiffré à 30 %, cet inquiétant taux de décrochage constitue une menace pour la population, si nous prenons en considération l’émergence d’une économie du savoir que valorise la mondialisation, qui exige elle-même de plus en plus un savoir-faire spécifique et une capacité à se renouveler grâce une formation continue.

Or, le problème du décrochage ne se limite pas à l’école et cache un malaise plus profond: le désenchantement face au monde de l’école. De nombreux étudiants abandonneront l’école cette année après avoir longuement pesté contre son contenu et ses exigences. Certains lanceront la serviette en guise de réaction à l’égard d’une institution qui n’a jamais su les comprendre, les orienter, les accompagner. D’autres n’y ont malheureusement jamais vu de pertinence ou d’utilité à apprendre le français, les mathématiques ou l’économie.

Ce manque criant de signification communément partagée à l’égard des études et l’absence de résultats probants nous portent à questionner l’attitude de ces élèves et étudiants qui n’ont pas cru à la pertinence d’une formation académique solide.

Le décrochage est une conséquence d’événements étalés sur plusieurs années durant lesquelles l’école a été incapable de cibler les besoins de ceux qui apprennent avec certaines difficultés ou ceux simplement rebelles face à l’autorité. Posséder un jugement bien construit, argumenter sérieusement, cultiver considérablement son esprit n’est pas une simple question d’intelligence. Permettre à une personne de devenir fière, accomplie ou compétente, et de s’investir dans sa propre formation, est aussi possible par le respect à long terme d’une technique pédagogique. Mais encore faut-il pouvoir faire évoluer les techniques tout en motivant l’apprentissage des contenus.

Le découragement face aux études causera souvent une attitude réactive contre l’autorité alors que le comportement est en réalité un appel à l’aide et une demande formulée maladroitement pour être mieux outillé. Les philosophes grecs avaient compris la nécessité d’instruire par l’expérience et de cultiver la capacité de chacun à réfléchir. Pédagogues avertis, ils avaient le souci d’enseigner une méthode de réflexion signifiante qui cherchait à situer l’apprenant face à lui-même. L’école d’aujourd’hui, obsédée par la performance et les rendements chiffrés, affronte un problème de taille: celui du sens. Le tiers des étudiants qui décrochent nous rappellent que l’école n’a pas ou plus de sens dans leur vie et qu’elle passe en second derrière d’autres réalités ou impératifs. Ces élèves et ces étudiants sont le signe que le discours tenu lorsqu’ils fréquentaient l’école n’a pas su les rejoindre.

Même si l’on accusait le manque de motivation individuel ou l’encadrement familial douteux dans lequel l’étudiant a grandi, le problème demeure identique: l’homme abandonne ce qu’il n’aime pas et ce qu’il ne comprend pas. En plus d’être un problème scolaire, le décrochage est un problème de gestion des apprentissages. Rédiger un texte littéraire, résoudre une équation mathématique ou soutenir une position personnelle en philosophie ont tous en commun la maîtrise d’une méthode efficace pour traiter le problème et parvenir à une réponse ordonnée, structurée et pertinente. Apprendre sans outils ne permet pas de comprendre ce qu’on fait, ce qu’on est. L’école doit construire ses étudiants, au risque de les perdre à jamais.

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